Accueil - Une boîte à ouvrir
« Tiens, tu peux m’ouvrir ce pâté ? On va s’faire un bon p’tit apéro. J’peux pas l’ouvrir avec ce truc pour droitiers… », me dit Olivier en me tendant un outil et une petite boîte ronde et dorée, sans aucune étiquette, de celles qui renferment tout son savoir-faire. Les droitiers sont partis en balade jusque tard. On est mal, on est très mal. Le bon pâté et son compagnon apéro s’envolent. Les gauchers sont en surreprésentation dans notre famille (j’en ai créé moi-même deux exemplaires) et nous sommes privés de dessert. Ou plutôt non, de pâté…
Tout ça à cause d’un ouvre-boîte.
Comment faire si le maître de cérémonie du repas de Noël n’a pas les ustensiles adaptés pour éplucher les patates de sa sublime purée, pour arroser sa poularde qui tourne sans fin dans le four et diantre : pour ouvrir la boîte de foie gras maison apportée par sa mère ! Ok, ça fait bien 40 ans qu’il fait avec, ou sans. Il s’est adapté, comme presque nous tous, et c’est contrariant. La droiterie a la peau dure.
Je chausse les vieilles basquettes qui m’accompagnent dans mes pérégrinations parisiennes. Pour une fois, j’ai un but : si ce n’est le Graal, trouver un ouvre-boîte pour gaucher devrait être dans mes cordes. Paris ne manque pas de drogueries, de quincailleries, de boutiques pour cuisiniers plus ou moins éclairés, de béachevé et autres galeries Lafarfouillette. Je devrais trouver des ustensiles qui rendent la vie plus ronde. Après tout, je n’ai pas grand-chose d’autre à faire depuis que mon ciboulot tourne dans le gris.
Et puis rien, ou presque. La pauvreté de l’offre me laisse pantoise.
Je rentre bredouille et trempée. C’était pas mon jour. Il faut que je parte en goguette sur les internets. Je me perds souvent dans les méandres de la Toile, je ne peux pas toucher, sentir, prendre, soupeser, reposer, avoir un conseil que je n’ai pas toujours sollicité… Bref, il va me falloir un bon litre de thé et au moins November Ultra (j’adore cette femme :)) pour me soutenir musicalement pendant mes recherches.
Si oui, il habitait à Londres dans les années 1960 et avait créé sa caverne là-bas : Anything Left Handed. Voilààà ! Excitée comme une punaise de lit sous proto, je passe des heures sur le site internet, m’imaginant déjà à Buckingham, faisant un salut de la main gauche au Prince William, lui-même gaucher. Mais je découvre que la boutique physique a fermé et taux de change plus frais de livraison, autant acheter un ouvre-boîte fait sur mesure…
Pourquoi les gauchers que nous sommes devraient-ils se plier aux dictats de ce monde ? Pourquoi tout ce qui se rapporte à la gaucherie est négatif ? Quand on commence à s’y intéresser, on se rend compte à quel point nous devons tourner à l’envers, à l’inverse d’un système où tout le monde passe par la droite. Pourquoi des enfants sont encore aujourd’hui contrariés ? Ne laissons pas la sinistrose prendre le dessus.
Ouvrons la Gaucherie, et fissa : y’a du pain sur la planche !